Nous
naviguons dans l’espace de l’autre là où on y est sans y être. G. Ghazal
Le
« phénomène » au sens de la phénoménologie n’est rien de substantiel
ni non plus l’expression d’une signification. Il est le sens même de
l’être, le paraître de ce qui
paraît ; il n’est pas quelque chose qui apparaît parmi les choses
apparaissantes, il est leur apparaître même et qui lui-même n’est rien
d’apparaissant. Art et
savoir P. 164
Nous vivons
dans une ère esthétique désinfectée, aseptisée, voire assainie de
l’imperfection qui se trouve au cœur de la beauté esthétique. Cette
qualification que j’attribue à notre mode de vie actuelle sous-tend une image
métaphorique sur le statut et les valeurs sociales de l’individu, là où il se
retrouve immobilisé dans un espace-temps virtuel. Les nouvelles approches et
tendances esthétiques se conforment et se marient avec la mode technologique.
Ainsi, au gré et au plaisir de la science, l’être humain a modifié ses relations physiques avec
l’espace et le temps. Des changements et des ruptures subits ont coupé le pont
entre l’homme et son vécu réel. Nous réagissons instantanément à des données
interactives fondées sur une politique de médiatisation universelle.
Les nouveautés surgissent de partout et en tout temps. Toujours en hybridation,
elles accouchent et vivent leur sort à l’instant. L’éphémère a atomisé
l’immortalité. Le délai ou l’attente disparaît et l’événement vit son
immédiateté.
Notre
adhésion collective, dans notre vie quotidienne, à la technologie semble porter
des effets perceptibles quant à la perte progressive de la notion de
l’identité. Autrement dit, nous
assistons aujourd’hui à une dissolution de notre expérience subjective avec le social.
Nous embarquons dans un monde de lumière où le scintillement d’une luciole se
méprend pour une irradiation d’inspiration. Suspendus au cœur du vide, nous
vivons une sensation de non-existence, comme si l’esprit était envahi par une
perpétuelle décomposition autant matérielle que spirituelle. C’est le
couronnement du profane sur le sacré. En effet, nous sommes aspirés par un vide
qui nous conduit vers une dépossession et une absence du Moi.
Cette
atmosphère technologique développe en nous des émotions froides de méfiance et
d’inquiétude, et nous enferme dans une société d’automates vivant sous l’abri d’un monde
virtuel. Auparavant la société était fédérée par des valeurs humaines, alors
qu’aujourd’hui elle est confédérée par un fatras de valeurs déstructurées sans
fondement sinon la fange de la fugacité. Actuellement, notre expérience
esthétique à changer de trajectoire. Elle est qualifiée de mode, de distraction
et de disparition. Or qui dit disparition, dit distorsion, dépossession, évaporation, abolition,
détérioration. En
un mot, destruction.
L’expansion
et l’omniprésence de la technologie impliquent nécessairement l’annihilation de
certaines valeurs humaines. Nous subissons alors une altération de l’humanité
par l’appauvrissement des valeurs humaines et la dissolution de notre
subjectivité. À la condition humaine, on préfère le conditionnement.
Mon dessein
est donc de représenter dans une installation, cet état nouveau - celui du
¨vide social¨-dans lequel l’individu a influé son lien avec le monde extérieur.
Pour ainsi
conclure, ¨la planète terre a été à la fois miniaturisée et domestiquée. Elle
peut désormais être livrée à domicile, comme un réfrigérateur ou un
aspirateur¨(1)
1-
DEBRAY, Régis, Vie et mort de
l’image, Mesnil-sur-l’Estrée, Editions Gallimard, 1994, p. 412
The Aesthetics of emptiness
We surf in the space of the
other where one is there
without
being there.
By Ghassan Ghazal
We evolve in an aesthetic era, which is disinfected,
antisepticised, doubtlessly decontaminated from imperfection, where precisely
lies the crux of the aesthetic beauty.
Our way of living subtends a metaphorical image pinned
down to the status and social values governing the individual, where he is
enduringly trapped in the virtual duality of space-time. Thus, tossed around by
science, the human being has altered his physical relationships with space and
time. Enduring changes and ruptures blasted the bridge between the individual
and his true-life. We instantly react to interactive indications founded on a
universal “mediatisation “ policy. Novelties bolt from the blue. Everlastingly
in hybridisation, these novelties live their fate instantly. The ephemerality
has splintered immortality. The delay and the expectation vanish and the event
itself is absorbed by its moment. In our daily life, our collective adherence
to technology seems to carry in its bosom discernible effect with regards to
the progressive loss of the notion of identity. In other words, we are
witnessing the dissolution of our subjective experience with the social realm.
We embark in a world of light where the twinkling of a firefly is mistaken for
a radiation of an inspiration. Suspended in the heart of void, we live a
sensation of non-existence, as if the spirit was forayed by a perpetual
materialistic and spiritual decomposition. It is the profane dethroning the
sacred. In effect, a vacuum that drives us towards a dispossession and an
absence of the Ego aspirates us. In the past, the scalpel of revolutions and
wars would change the face of History in general and societies in particular
and the cycle of this change would take generations to soak in its social
fiber. Nowadays, with the technological revolution, the classic weapons have
been substituted with a keyboard. The keyboard represents the space that
surrounds us. Lovers no longer look into each other’s eyes, they romance the
screen.
This technological aura planted
in us mistrust and anxiety and immured us in an automated, hyper-real society.
. Previously, society was governed by human values, whereas today it is
governed by a hotchpotch of destructured values that have no foundation other than
the quagmire of fleetingness. Presently, our aesthetic experience has shifted
its trajectory. It is certified as one of fashion, distraction and
disappearance. Yet, who says disappearance says distortion, dispossession,
evaporation, abolition and deterioration. In a nutshell: destruction. The
expansion and omnipresence of technology certainly imply the annihilation of
some of our human values. Therefore, we are subjected to the alteration of
humanity through the impoverishment of the human values and the dissolution of
our subjectivity. To the human condition we prefer the conditioning.